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L'Union européenne n'a pas trouvé, jeudi 12 mai, d'accord sur les critères et l'ampleur des tests de
résistance (stress tests) à imposer aux 143 réacteurs en activité dans l'Union européenne. Les discussions devaient se poursuivre vendredi, à Bruxelles, entre les responsables
nationaux de la sûreté nucléaire mais, en quittant la réunion de jeudi, le commissaire européen à l'énergie, Günther Oettinger, a fait publier un communiqué annonçant que les
débats se poursuivraient jeudi 19 et vendredi 20 mai, à Prague. " Le contenu est plus important que le calendrier. Le public attend des tests couvrant un large éventail de
risques et des questions de sécurité ", a-t-il indiqué.
M. Oettinger avait, en fait, très vite mesuré l'ampleur des divergences entre des Etats dont les
positions sont désormais très éloignées de l'unanimité qui les avait conduits, en mars, à évoquer la nécessité de normes de sécurité communes pour toutes les centrales. Les
discussions de jeudi avec le Groupe des autorités nationales de régulation dans le domaine de la sûreté nucléaire (Ensreg) devaient, en principe, concrétiser les promesses
concernant les tests de résistance après la catastrophe survenue à Fukushima le 11 mars. Mais la plupart des pays européens favorables au nucléaire et regroupés au sein d'une
autre instance, l'Association des régulateurs nucléaires d'Europe de l'Ouest (Wenra), entendaient bien limiter l'exercice.
A la veille de la réunion de Bruxelles, M. Oettinger avait déposé la liste des critères à envisager.
Ils concernent la résistance des centrales à un séisme, une inondation, des variations de température extrêmes ou une panne majeure dans le circuit de refroidissement. Sur ces
points, toutes les capitales sont d'accord depuis le début. Poussé par certains pays comme l'Autriche et appuyé par la chancelière Angela Merkel, qui a évoqué la nécessité de
" tests les plus exigeants et les plus globaux ", le commissaire entend toutefois inclure d'autres critères : une défaillance humaine, un acte malveillant, une attaque
informatique, la chute d'un avion, une action terroriste.
Certaines capitales, dont Paris et Londres, refusent catégoriquement. Les chefs d'Etat et de
gouvernement, qui se sont accordés le 25 mars, sur le principe des tests de résistance, " ne parlent pas de terrorisme dans leurs conclusions ", a souligné André-Claude
Lacoste lors de la présentation, lundi 9 mai, du cahier des charges de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) française, qu'il dirige.
Dans sa présentation de l'analyse des " situations extrêmes " qu'elle compte effectuer, l'ASN
s'en tient aux demandes que lui avaient adressées, fin mars, François Fillon. Et elle souligne qu'intégrer la notion d'attentat serait inconciliable avec " l'obligation de
transparence " : estimer la puissance d'une frappe terroriste et rendre un tel scénario public serait trop dangereux, a donc objecté Paris. " Dans les délais courts dont
nous disposons, nous ne sommes pas capables de mener des études sérieuses sur le terrorisme ", ajoute M. Lacoste.
Tentative de compromis
Les prises de position radicales du commissaire allemand, qui avait notamment affirmé, après la
catastrophe survenue au Japon, que certains réacteurs européens ne satisfaisaient pas aux normes de sécurité requises, n'ont sans doute pas facilité les négociations. Pas plus,
sans doute, que l'attitude de la France, qui a présenté ses propres critères quelques jours avant la réunion des régulateurs européens. José Manuel Barroso, le président de la
Commission, a tenté d'ébaucher un compromis : dans une intervention, il a cherché à convaincre qu'une mention comme " la résistance à des actions imputables à l'homme "
serait suffisamment vague pour rassembler les uns et les autres autour d'une liste suffisante de critères.
M. Oettinger a, pour sa part, déclaré qu'il refuserait des " tests de résistance allégés ".
" Ils ne porteront pas ma signature ", a-t-il indiqué. Le responsable allemand se dit même prêt à renvoyer, le cas échéant, le dossier au Conseil européen ou à proposer
une réglementation contraignante, comme le prévoit, dit-il, le mandat qui lui a été confié.
Jean-Pierre Stroobants
© Le Monde
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